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La financiarisation : nouveau moteur de croissance ou bombe à retardement pour la profession comptable ?

17.09.2025
2 minutes

Le monde de l’expertise comptable connaît une transformation profonde. Rachats, concentration, arrivée de fonds d’investissement : la financiarisation du métier s’accélère. Les cabinets indépendants doivent repenser leur positionnement pour rester attractifs et rentables.

Pourquoi les fonds d’investissement s’intéressent-ils aux cabinets d’expertise comptable ?

Les cabinets attirent de plus en plus les investisseurs pour une raison simple : ils génèrent des revenus récurrents, disposent d’une clientèle fidèle et s’appuient sur des process standardisables.

Selon le Conseil supérieur de l’Ordre, la France compte aujourd’hui plus de 19 000 sociétés d’expertise comptable et environ 21 600 experts inscrits. Un vivier qui représente plus de 175 000 salariés (Xerfi, 2024). Cette taille de marché, encore très atomisée, ouvre la voie à des opérations de concentration.

Et les fonds ne s’y trompent pas : en 2025, le groupe Archipel a annoncé un investissement de 50 millions d’euros pour fédérer des cabinets, combinant consolidation et innovation métier (Compta Online, 2025). C’est un signal fort : le marché attire désormais des capitaux lourds, bien décidés à transformer la profession.

Quels sont les impacts de cette financiarisation ?

Les effets sont déjà visibles dans les cabinets rachetés ou financés :

  • Standardisation des pratiques et process imposés par les investisseurs.
  • Pression accrue sur les marges, avec des objectifs financiers élevés.
  • Automatisation massive des tâches comptables.
  • Risque de perte de proximité avec les clients dirigeants, pourtant au cœur de la mission d’origine.

À grande échelle, cette logique industrielle ressemble à une course à la productivité. Mais est-ce vraiment ce que recherchent les dirigeants de TPE-PME, qui attendent avant tout écoute, confiance et accompagnement ?

L’article 2 de l’ordonnance de 1945 : un cadre juridique sous tension

L’article 2 de l’ordonnance fondatrice du 19 septembre 1945 définit clairement la mission de l’expert-comptable : établir, tenir, surveiller et redresser les comptabilités des entreprises, et apprécier leur régularité. Le texte ajoute que l’expert-comptable peut aussi exercer des missions de conseil, mais uniquement comme activité accessoire à son cœur de métier.

C’est là que naît le dilemme actuel :

  • Le droit : rester centré sur la comptabilité et ne faire du conseil qu’en complément.
  • La réalité : les missions traditionnelles sont banalisées, automatisées et sous pression tarifaire.
  • L’obligation économique : se diversifier vers le conseil stratégique pour rester compétitif, fidéliser les clients dirigeants et créer de la valeur.

Autrement dit, le texte de 1945 n’est plus tenable tel quel face aux enjeux de 2025. Les cabinets doivent arbitrer entre respect historique et adaptation stratégique.

Quelles forces restent aux cabinets indépendants ?

Les indépendants ne rivaliseront jamais en puissance financière avec les grands groupes, mais ils gardent des cartes maîtresses :

  • La proximité relationnelle, atout qu’aucune plateforme ni fonds ne peut reproduire.
  • L’agilité, pour adapter leur offre à la réalité des dirigeants.
  • La spécialisation sectorielle, qui crée une vraie barrière à l’entrée.
  • Le conseil stratégique, à condition de l’assumer comme axe central et non plus comme simple accessoire.

Pourquoi le conseil devient incontournable

Les missions cœur – tenue, révision, fiscalité – sont de plus en plus automatisées et soumises à une forte pression tarifaire. Elles ne suffisent plus à différencier un cabinet.

L’avenir repose sur la capacité à accompagner les dirigeants sur leurs enjeux :

  • Pilotage de la croissance et du cash-flow.
  • Structuration financière et RH.
  • Préparation à la transmission et à la valorisation.

En d’autres termes, à passer du rôle de “teneur de comptes” à celui de bras droit stratégique du dirigeant — une évolution qui dépasse l’esprit de 1945, mais que le marché impose.

Valorisation des cabinets : où en est-on en 2025 ?

Selon Interfimo, acteur de référence du financement des professions libérales (filiale du Crédit Agricole), la valeur moyenne des cabinets se situe autour de 87 % du chiffre d’affaires HT, avec un multiple d’environ 2,8 fois l’EBE retraité (étude 2023 sur 240 transactions). Ces données, toujours d’actualité en 2025, montrent que les acquéreurs privilégient les cabinets structurés, digitalisés et capables de proposer une offre de conseil.

Les bonnes questions à se poser dès aujourd’hui

  • Quelle est la valeur réelle de mon cabinet si un fonds frappait à ma porte demain ?
  • Comment concilier respect du cœur de métier (article 2) et impératif de diversification ?
  • Quels services me rendent vraiment différenciant face aux acteurs financiarisés ?
  • Suis-je dans une logique de volume… ou dans une logique de valeur ajoutée par le conseil ?

En résumé

  • La financiarisation du métier est une tendance durable.
  • L’article 2 de 1945 impose que le conseil reste une activité accessoire, mais cette logique est difficile à tenir aujourd’hui.
  • Les missions traditionnelles, cœur de métier historique, sont de moins en moins rémunératrices.
  • Les cabinets indépendants ont un atout incomparable : la proximité avec les dirigeants.
  • La voie de différenciation passe par le conseil stratégique, même si cela bouscule l’héritage de 1945.

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FAQ

01
Qu’impose l’article 2 de l’ordonnance de 1945 aux experts-comptables ?

Il définit la mission de l’expert-comptable comme centrée sur la comptabilité (établir, tenir, surveiller, réviser). Le conseil est autorisé, mais uniquement comme activité accessoire.

02
Pourquoi ce cadre est-il difficile à tenir aujourd’hui ?

Parce que les missions traditionnelles sont de plus en plus automatisées et soumises à une pression tarifaire. Pour rester compétitifs, les cabinets doivent diversifier leurs offres, notamment dans le conseil stratégique.

03
Quels sont les prix de cession des cabinets en 2025 ?

D’après Interfimo, la valeur moyenne d’un cabinet est d’environ 87 % du chiffre d’affaires HT, avec un multiple de 2,8 fois l’EBE retraité.

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