Conseil & métiers du chiffre
Depuis 80 ans, l’ordonnance du 19 septembre 1945 structure la mission des experts-comptables. Son article 2 est sans ambiguïté : le cœur du métier est la comptabilité, et le conseil ne peut être qu’accessoire. Or, en 2025, cette règle se heurte à une réalité de plus en plus difficile à ignorer : les missions cœur sont banalisées, sous pression tarifaire, et les clients attendent désormais un accompagnement stratégique.
L’article 2 de l’ordonnance n° 45-2138 dispose que l’expert-comptable a pour mission principale :
Le texte autorise aussi la possibilité de donner des conseils, mais uniquement comme activité accessoire aux missions comptables. Autrement dit, en droit, le conseil n’est pas une activité autonome : il doit rester lié et secondaire par rapport au cœur du métier.
Trois facteurs principaux rendent ce cadre difficile à maintenir :
La tenue, la révision et la fiscalité sont désormais massivement automatisées. Elles sont banalisées et soumises à une concurrence tarifaire intense.
Plus de la moitié des entreprises (53 %) restent fidèles à leur cabinet depuis plus de dix ans (Tool-Advisor, 2025). Mais cette fidélité ne repose plus seulement sur la production des comptes : les dirigeants attendent un accompagnement sur la croissance, le financement, la transmission.
La financiarisation du métier (article 1 de cette série) accentue la pression. Les fonds misent sur les cabinets capables de digitaliser et d’élargir leur offre. Un cabinet qui s’en tient strictement au cadre de 1945 devient vulnérable.
En 2025, plusieurs décisions rappellent que cette frontière n’est pas théorique, mais bien réelle :
Ces affaires montrent que l’Ordre et les juridictions commerciales suivent de près les dérives possibles : le conseil est nécessaire, mais sortir du cadre peut exposer à des sanctions.
Plutôt que d’opposer dogme et réalité, certains cabinets choisissent de relire l’esprit de 1945 à la lumière des enjeux actuels :
Ainsi, le conseil n’est plus vu comme une dérive, mais comme une continuité logique du métier — à condition de rester arrimé à la compétence comptable.
Il définit le cœur de mission de l’expert-comptable : la comptabilité. Le conseil est possible, mais uniquement en tant qu’activité accessoire.
Parce que les missions cœur sont automatisées et banalisées. Les cabinets doivent se diversifier pour rester compétitifs, ce qui entre en tension avec l’esprit de 1945.
Les décisions de 2025 (Cour d’appel de Lyon, Tribunal de commerce de Rennes) montrent que l’Ordre et les juridictions peuvent intervenir si un cabinet va trop loin dans le conseil au détriment de la mission comptable.